Rina Sherman présente "Dans le sillage de Jean Rouch"
Rina Sherman nous parle de son livre, Dans le sillage de Jean Rouch. T ...
Pour célébrer, en 2017, le centenaire de la naissance de Jean Rouch, Rina Sherman a invité des amis, des collègues, des spécialistes de son œuvre, à nous faire partager à travers la rédaction de textes courts certaines singularités du foisonnement « rouchien » : sa traversée de l’histoire coloniale et postcoloniale, ses films, ses expérimentations techniques, sa pratique de « l’anthropologie partagée », sa place dans l’histoire du cinéma comme dans les sciences humaines, son enseignement novateur de l’ethnographie visuelle…
Rina Sherman a ainsi rassemblé une vingtaine d’essais inédits, contrastés et surprenants à plus d’un titre – angles nouveaux de prospection, témoignages inédits et révélations diverses sur tel ou tel aspect de son travail et de sa vie –, qui attestent la qualité interpellatrice de l’œuvre, sa complexité, et soulignent la vitalité actuelle de l’héritage Jean Rouch, la diversité des recherches qui s’inscrivent dans son sillage, la force des souvenirs et, aussi, la difficulté à définir la pluralité de ses défis.
Biographies des contributeurs
Brice Ahounou
Brice Ahounou est anthropologue, journaliste franco-béninois et spécialiste d'Haïti. Depuis 1991, il anime « Les Mercredis du film ethnographique » initiés par Jean Rouch et Germaine Dieterlen au musée de l'Homme à Paris. Il a travaillé pendant dix-sept ans avec Jean Rouch et partage avec lui un intérêt pour l'étude des cultes de possession. Après des recherches sur le vaudou et le pouvoir de l'imaginaire en Afrique de l'Ouest et dans les Caraïbes, il poursuit ses investigations dans le champ d'observation ouvert par le pionnier de l'anthropologie visuelle chez les Songhay – un terrain sur lequel dieux et hommes du fleuve Niger dialoguent face à la caméra. Il est anthropologue au CFE (Comité du film ethnographique) : anthropologie visuelle et logiques de l'invisible.
Antoinette Tidjani Alou
Chercheuse, traductrice et écrivaine binationale, Antoinette Tidjani Alou est née à la Jamaïque et vit au Niger. Elle y exerce comme professeure de littérature comparée à l’université Abdou Moumouni où elle dirige la nouvelle filière en « Arts et culture ». Elle a fondé le laboratoire pour l’étude, la recherche, la pratique et la valorisation des arts et de la culture (LERVAP). Elle est l’auteure de nombreux articles et chapitres de livres sur la construction identitaire dans la littérature et la culture et de plusieurs livres et articles. Elle est l’auteure d’une autofiction intitulée On m’appelle Nina (2017), finaliste du prix Ivoire 2017 et d’un recueil de nouvelles, Tina Shot me Between the Eyes and Other Stories (2017).
Jean-Michel Arnold
Jeune homme, Jean-Michel Arnold a rencontré Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française, qui est devenu son ami et mentor, et qui est à l’origine de sa passion pour le cinéma et la culture. Il a créé la Cinémathèque nationale algérienne dans les années 1960 et a organisé le Festival du cinéma mondial pendant le Festival panafricain de la culture à Alger en 1969. En 1974, de retour en France, il ouvre un département dédié à l’image et à la science au Centre national de la recherche (CNRS), appelé CNRS Images/Média, qu’il a dirigé jusqu’en 2001. Dans ce cadre, il a créé les Rencontres internationales Image et Science qui se sont tenues pendant 23 ans à la Tour Eiffel et dans 200 musées associés. Avec Jean Rouch, il a fondé le Cinéma du réel – Festival international du film documentaire au Centre Georges-Pompidou, Festival qui a encore lieu aujourd’hui et dont le dernier opus a eu lieu à Paris du 23 mars au 1er avril 2018. Il a été secrétaire général de la Cinémathèque française et président du Conseil international du Cinéma, de la Télévision et de la Communication audiovisuelle (CICT) à l'UNESCO.
Laure Astourian
Laure Astourian est maître de conférences à l’université Bentley dans le Massachusetts. Docteure en littérature française de l’université Columbia (2016), sa thèse porte sur le cinéma français de la fin des années 1950 et des années 1960. Elle a bénéficié de la bourse de recherche Mary Isabel Sibley de la société d’honneur Phi Beta Kappa en 2016-2017.
Nadine Ballot
Nadine Ballot a passé une partie de son enfance en Afrique noire. Après le tournage de La Pyramide humaine, elle poursuit des études en sciences humaines et sociales à Paris. En 1963, elle retourne en Côte-d’Ivoire pour effectuer une étude statistique sur une communauté mossi des faubourgs d’Abidjan et assiste Jean Rouch lors du tournage de La Goumbé des jeunes noceurs. En 2011, elle est l’invitée d’honneur du Forum africain du film documentaire à Niamey pour célébrer les vingt ans du Bilan du film ethnographique, devenu aujourd’hui Festival international Jean Rouch.
Jamie Berthe
Jamie Berthe est titulaire d’un doctorat du département des Médias, de la culture, et de la communication de l’université de New York. Dans ses travaux de recherche et d'écriture, elle a exploré la relation de Jean Rouch avec l’histoire coloniale française et le cinéma africain. Elle est actuellement directrice administrative du programme de maîtrise et membre du corps enseignant à l’École Gallatin, d’étude individualisée (NYU), où elle enseigne des études post-coloniales et la culture visuelle.
Michel Brault (1928-2013)
Michel Brault, pionnier du cinéma direct, auteur du film culte Les Ordres (1974), a coréalisé avec Pierre Perrault Pour la suite du monde (1963), Mon oncle Antoine (1971) avec Claude Jutra, et Les Bons Débarras (1980) avec Francis Mankiewicz. Certaines de ses réalisations ont révolutionné le monde du cinéma direct, comme Les Raquetteurs, en 1958, qu’il coréalise avec Gilles Groulx et dans lequel il utilise pour la première fois une caméra à l’épaule. Après un séjour en France durant lequel il tourne notamment avec Jean Rouch et Mario Ruspoli, Michel Brault revient au Québec et réalise en 1963 Pour la suite du monde de Pierre Perrault. Cette œuvre est le premier film canadien à être présenté à Cannes.
Philo Bregstein
Écrivain et cinéaste, Philo Bregstein est connu pour Otto Klemperer’s Long Journey Through his Times (1985, réédition 2016), The Past That Lives (1970), Klemperer The Last Concert (1971), In Search of Jewish Amsterdam (1975), Qui dit la vérité doit mourir, film sur la vie et la mort de Pier Paolo Pasolini. (1981) et The Compromise (1968). Il est l’auteur de nombreux romans, ainsi que des essais dont Back to Lithuania: Traces of a Jewish Family (1995) et Remembering Jewish Amsterdam (2004), écrit avec l’historien Salvador Bloemgarten, et pour lequel de nombreuses personnes ont été interviewées sur la vie des Juifs à Amsterdam avant 1940, réduite à néant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ami de longue date de Jean Rouch, Philo Bregstein a réalisé un des films les plus importants sur le cinéaste et ethnographe, le montrant dans son univers à Niamey : Jean Rouch et sa caméra au cœur de l’Afrique (1978). Plus tard, il a joué le rôle de de Nietzsche dans Dionysos (1986), et celui de « Philo » à la recherche de Friedrich Nietzsche dans le film turinois Enigma (1988).
Jean-Claude Carrière
Jean-Claude Carrière est romancier, scénariste, acteur. Il a été récompensé par un Oscar pour l’ensemble de son œuvre en 2014. Il est notamment connu pour Cyrano de Bergerac (1990), L’Insoutenable légèreté de l'être (1988) et Le Charme discret de la bourgeoisie (1972). Élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, il a travaillé avec Luis Buñuel, étaix, Godard, Malle, Ôshima, Forman et Wajda.
Jean-Pierre Dozon
Jean-Pierre Dozon est anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), vice-président de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), directeur de recherche émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et membre de l’Institut des mondes africains (IMAF).
Il travaille principalement sur l'Afrique de l’Ouest, sur des questions de développement et de santé, sur les problèmes ethniques, sur les relations entre politique et religion, ainsi que sur les relations franco-africaines.
Il a reçu le prix du rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie française en 2004 pour son livre Frères et Sujets : La France et l’Afrique en perspective (2003) et le prix Robert Cornevin de l’Académie des sciences d’outre-mer en 2016 pour Afrique en présences : Du monde atlantique à la globalisation néolibérale (2015).
Alice Gallois
Alice Gallois est chercheuse associée au Laboratoire d’études et de recherches appliquées en sciences sociales (LERASS). Ses recherches portent notamment sur la patrimonialisation du cinéma et les moyens de la médiation culturelle. Historienne, elle s’est attachée depuis longtemps à décrypter la trajectoire institutionnelle et intellectuelle de Jean Rouch. Elle a contribué à des ouvrages collectifs et a publié de nombreux articles sur Jean Rouch, le Comité du film ethnographique et le cinéma au musée de l’Homme. Elle a notamment publié : « Migrations et mutations du culte des génies haouka du Niger en Gold Coast (années 1920-1950) », Diasporas (2008) ; « Le cinéma ethnographique en France : Le Comité du film ethnographique, instrument de son institutionnalisation ? (1950-1970) », 1895. Revue d’histoire du cinéma, n° 58 (2009).
Zöe Graham
Zöe Graham est titulaire d’un doctorat en études cinématographiques de l’université de New York (NYU) en 2017. Sa thèse explore l’héritage pédagogique de Jean Rouch, cinéaste et anthropologue, à travers le monde, et plus particulièrement au Mozambique et au Brésil. Elle est titulaire d’un certificat de production documentaire dans le programme Culture et médias, avec le département d’Anthropologie de la NYU. Elle a fait des études de lettres modernes à l’université d’Oxford et de journalisme international à l’université de Falmouth (UK). Ses centres d’intérêt couvrent la théorie et la pratique du film documentaire, l’ethnographie des médias, la pédagogie du film, le film amateur, le cinéma transnational et les études post-coloniales.
Daniel Mallerin
Journaliste, éditeur et écrivain, Daniel Mallerin a séjourné au Niger entre 2006 et 2011, cinq années durant lesquelles il a mené des entretiens avec les derniers compagnons nigériens de Jean Rouch et accompli un travail éditorial avec Diouldé Laya à partir d’un entretien inédit de Jean Rouch, datant de 1993, réalisé au Niger par Fatoumata Agnès Diaroumeye Bembello : « Jean Rouch par lui-même ». Il rédige actuellement un ouvrage sur Jean Rouch au Niger.
Marie-Isabelle Merle des Isles
Universitaire, journaliste, Marie-Isabelle Merle des Isles est l’héritière d’un extraordinaire fonds photographique provenant de la famille maternelle de Jean Rouch, qu’elle s’emploie à promouvoir depuis plus de dix ans. Elle a notamment publié en 2005 l’ouvrage Destins d’explorateurs de l’Antarctique à l’Asie centrale, 1908-1950, où les remarquables photographies de Jean Rouch succèdent à celles, non moins remarquables, de ses oncles Gustave et Louis Gain, et de son cousin André Gain, écrivain voyageur qui lui fit connaître la bohème de Montparnasse durant sa jeunesse surréaliste. Auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles, Marie-Isabelle Merle des Isles a assuré le commissariat de plusieurs expositions. Elle donne régulièrement des conférences et a également publié Alors le Noir et le Blanc seront amis (2008), un recueil de textes de Jean Rouch sur ses premières missions en Afrique.
Edgar Morin
Sociologue, philosophe et anthropologue, Edgar Morin a publié plus de 40 ouvrages, traduits dans le monde entier.
Sa jeunesse est très marquée par la Seconde Guerre mondiale. Bien que communiste, il s’engage dans la résistance en participant au mouvement animé par Michel Cailliau, le neveu du général de Gaulle, puis par François Mitterrand. Né Edgar Nahoum, le jeune Edgar se fera dès lors appeler Morin. À la Libération, il publie son premier ouvrage, L’An zéro de l’Allemagne, où il dépeint la situation du peuple allemand de l’époque. Par la suite, Edgar Morin s’éloigne du Parti communiste à cause de ses idées antistaliniennes. En 1955, il anime un comité contre la guerre d’Algérie, mais refuse de signer le Manifeste des 121.
En 1960, Edgar Morin part enseigner durant deux ans en Amérique latine ; il y construit les fondements de sa pensée complexe, qui sera exprimée plus tard dans un ouvrage en six tomes, intitulé La Méthode. Traduit en vingt-sept langues et dans quarante-deux pays, son travail influence considérablement la réflexion contemporaine. Docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde, il fonde, en 2012, avec son ami l’écrivain Stéphane Hessel, le Collectif Roosevelt pour lutter contre l’effondrement économique de la France.
En 1961, il coréalise Chronique d’un été avec Jean Rouch et en 2014, il participe au tournage du documentaire Edgar Morin, chronique d'un regard, qui lui est consacré.
Dirk Nijland
En 1967-1968, Dirk Nijland a suivi les cours de cinéma ethnographique à l’École pratique des hautes études avec Jean Rouch, Roger Morillère, Louis Boucher, Gilbert Rouget et Xavier de France. Coréalisateur de De Bende van Rouch (La Bande de Rouch, 1993) avec Steef Meyknecht et Joost Verhey, Dirk Nijland a enseigné l’anthropologie culturelle et visuelle (il s’y est formé en cinéaste autodidacte) à l’université de Leyde où il a fondé une école de cinéma ethnographique.
Inoussa Ousseini
Ancien ministre de la Culture, actuellement ambassadeur du Niger auprès de l’UNESCO, Inoussa Ousseini fut également cinéaste, emboîtant le pas à ses compatriotes Moustapha Alassane et Oumarou Ganda, sous la tutelle du réalisateur français Serge Moati, alors coopérant à Niamey. Il a suivi les cours de l’École de Nanterre avant la création des Ateliers Varan par Jean Rouch et les frères Blanchet, et est l’auteur de plusieurs courts métrages dont La Sangsue (1970), Paris c’est joli (1974) (prix de la critique FESPACO 1976, Grand Prix au Festival de Dinard 1974), Ganga (1975), Fêtes traditionnelles populaires du Niger (1980), Wasan Kara (1980), Tahoua an 2, le festival (1986).
Daniele Pianciola
Daniele Pianciola est coréalisateur et l’un des trois producteurs du film Enigma de Jean Rouch. Après un parcours dans l’édition (sociologie et anthropologie), il est cofondateur de la coopérative de films KWK et participe comme réalisateur et producteur à de nombreuses productions cinématographiques et télévisuelles. Il y réalise Ex Machina ou l’intelligence artificielle, premier vidéodisque laser interactif édité en Italie. Il est aussi codirecteur et réalisateur du magazine interactif VIS, premier réseau régional en Italie de vidéo information interactive, en coopération avec la Société italienne de téléphonie générale. Son dernier film, L’Énigme de Jean Rouch à Turin, chronique d’un film raté (2017), coréalisé avec Marco di Castri et Paolo Favaro, a été sélectionné pour le 74e Festival du cinéma de Venise.
Johannes Sjöberg
Johannes Sjöberg est chargé du programme doctoral « Anthropologie, média et performance » à l’université de Manchester. Il est titulaire d’un doctorat en études théâtrales pour sa recherche sur les ethnofictions de Jean Rouch, axée sur l’utilisation de l’improvisation projective dans le cinéma ethnographique et appliquée à l’identité, la performance et la discrimination parmi les brésiliens transgenres. Il mène des recherches sur le psychodrame, participe à la recherche sur le terrain, et envisage « l’ethno science-fiction » une comme méthode d’élaboration des films ethnographiques.
Rina Sherman
Ethnographe, cinéaste, photographe, Rina Sherman est l’auteur de plusieurs livres et d’une série de collections de films : Les années Ovahimba, fonds d’archives multimédia témoignant de son étude de terrain de sept ans auprès des Ovahimba en Namibie et en Angola conservé à la BnF depuis 2015 ; Voices, rencontres avec des personnes remarquables, qui regroupe les portraits filmés d’Andres Serrano, J. P. Donleavy, Rhoda Scott, Alain Gheerbrant et François Roustang ; Témoins de notre temps, avec des films en cours sur Jean Rouch, Claude Mollard et Michou ; plusieurs films sur la danse en Afrique, ou encore Villes & ailleurs, tableaux mouvants de slow cinema à Venise.
Paul Stoller
Paul Stoller est professeur d’anthropologie à l’université West Chester. Il mène des recherches depuis plus de trente ans en Afrique de l’Ouest (Niger) et parmi les immigrants africains à New York. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres (mémoires, romans et essais ethnographiques), dont Yaya’s Story: The Quest for Well-Being in the World (2014), The Sorcerer’s Burden: The Ethnographic Saga of a Global Family (2016) et Adventures in Blogging (à paraître). En 2013, le roi Karl XVI Gustav de Suède lui a décerné la médaille d’or Anders Retzius pour ses contributions scientifiques à l’anthropologie. En 2015, l’American Anthropological Association lui a décerné le prix Anthropologie dans les médias.
Steven Ungar
Steven Ungar est professeur d’arts cinématographiques à l’université de l’Iowa, où il a également enseigné le français et la littérature comparée. Il a publié six ouvrages sur la culture française, dont Roland Barthes: The Professor of Desire (1983), Scandal and Aftereffect: Blanchot and France Since 1930 (1995), Popular Front Paris and the Poetics of Culture (2005, avec Dudley Andrew) et Cléo de 5 à 7 (2008). Il est l’auteur d’articles sur Jean-Paul Sartre, Francis Ponge, Jean Rouch, Jean Vigo, Patrick Modiano, W.G. Sebald, René Vautier, André Bazin, et Jean-Luc Godard. Une étude sur le documentaire social en France est à paraître.