Langage et société, n° 131/mars 2010

Le dossier a pour objet les langues des signes (LS), langues naturelles des sourds, réapparues dans le champ de la recherche internationale il y a seulement quarante ans. La thématique qui sert de fil rouge aux différentes contributions est celle de la variation linguistique. Inséparable de la notion de norme(s), elle est articulée plus particulièrement ici à la question de ce qui fonde la sémiogenèse de la gestualité humaine signifiante et l’émergence du linguistique.
La situation sociale et sociolinguistique des LS et de leurs locuteurs sourds, si elle s’apparente par plusieurs aspects à une situation classique de diglossie, présente aussi de fortes spécificités. La manière d’intégrer ces spécificités pour rendre compte de ce qui relève de la variation dépend toutefois de ce qui est appréhendé comme norme constitutive des LS. Sur ce point crucial, déterminant pour poser les bases de la comparaison des LS avec les langues vocales, les approches actuelles en linguistique et sociolinguistique des LS présentent des divergences importantes. Les contributions formant ce numéro, appuyées sur d’importants corpus de LS variées, reflètent cette diversité d’approches, permettant ainsi de poser les termes et enjeux épistémologiques de ces débats.
Langues humaines parmi les autres, les LS sont les langues d’individus et de communautés dont le rapport au monde, à la société et au langage est différemment contraint (surdité, nature du canal et recours obligé à un seul canal, conditions atypiques de transmission et particularités de l’histoire socio-éducative des sourds). Elles offrent par là l’opportunité d’un regard autre —décentré— sur les notions de langage, de langue, de variation et de norme et pour la compréhension de leurs interrelations avec la cognition, la modalité et le milieu socioculturel.